Lumière sur le premier livre que j'ai lu de la sélection que j'ai reçue pour le prix du Jury Fnac de la rentrée littéraire 2011
Le héron de Guernica d'Antoine Choplin
Basilio, peintre amateur habitant Guernica est encouragé par le père Eusebio pour assister en tant que spectateur à l'exposition internationale des arts et techniques qui se déroule à Paris et rencontrer ce fameux peintre représentant l'Espagne : Picasso.
Car selon Eusebio, qui mieux que Basilio peut témoigner de cette journée d'horreur qui a eu lieu à Guernica?
Basilio accepte donc de faire le voyage et de rencontrer cet artiste qui a peint Guernica... mais qu'il n'a jamais vu dans ses rues!
Hormis le premier et le dernier chapitre, le reste du roman se déroule au moment de l'attaque de Guernica.
Nous faisons plus ample connaissance avec les habitants de Guernica : l'oncle Augusto, Maria, Celestina dont Basilio est amoureux... Les gens de Guernica ont une vie simple : le marché, l'usine, le bal... Cette vie est de plus en plus rythmée par les passages de soldats et malgré la douceur de vivre apparente, la guerre n'est pas loin.
Basilio passe la plus grande partie de son temps à peindre un héron. Il s'applique à vouloir rendre les émotions qui le parcourent lorsqu'il peint, ce qu'il ressent à la vue de cet animal, l'intensité de son regard... C'est une espèce de joute artistique qui s'engage lorsqu'il se retrouve face à lui. Il aimerait capter cette sensibilité, cette grâce à l'aide de son pinceau et de son regard d'artiste.
Mais Guernica ne restera pas sereine très longtemps...
L'écriture d'Antoine Choplin est magnifique.
Il réussit avec une économie de mots à faire ressentir au lecteur une foule d'émotions bien difficiles à décrire, tout comme lui a bien du mal à retranscrire sur sa toile ce qui le parcourt lorsqu'il est face au héron.
Ce roman est bouleversant tant par la poésie, la douceur et la sensualité de ce qu'il décrit, que par la dureté et l'horreur de ce qui va se passer.
Chaque chapitre est décrit à la manière d'un tableau avec un pinceau d'une douceur et d'une justesse incroyable... C'est superbe!!!
Quelques beaux passages :
p.104
"Il lui apparaît que la vérité de ce qu'ils sont en train de vivre, lui et ceux de Guernica dont le coeur n'a cessé de battre, ne peut s'accomoder de découpages. C'est un tout dont on ne peut rien extraire sans risquer la supercherie. Ce qui se voit ne compte as plus que ce qui reste invisible, que ce qui pourrait apparaître, ou qui se tient en attente derrière les angles de murs; que ce qui va surgir, d'un instant à l'autre, du ventre des nuages."
p.106
" J'ai photographié la bicyclette, aussi.
Quelle bicyclette?
Celle qu'on voit là-bas, couchée par terre au milieu de la place.
C'est une drôle d'idée, dit le père Eusebio en regardant vers la bicyclette.
Les avions, ça suffit pas pour raconter ce qui se passe ici, dit Basilio. Dès que tu te mets la tête sous le drap noir et l'oeil dans le viseur tu te rends compe que ça suffit pas.
Si on peut voir les bombardiers juste là, c'est déjà beaucoup, non?
[ ...]
Rien que ça, une bicyclette qui repose à terre, au milieu d'une place déserte. Je crois que c'est pas mal pour donner à deviner tout ce qu'on voit pas sur l'image. Toutes ces choses qui flottent dans l'air et qui fabriquent notre peur de maintenant. Qu'on peut pas graver sur du papier mais qui nous empêchent presque de respirer, par moments. Tu vois ce que je veux dire?