Editions Monsieur Toussaint Louverture,
Février 2011, 448 pages
Frederick Earl Exley (1929-1992) est à la fois unique et emblématique. Unique, car il habitait un univers étrange, et n'obéissait à aucune règle, excepté les siennes; emblématique car, en écrivain américain typique, sa légende s'est faite sur un seul livre. Inédite en France, l'inimitable "autofiction" de Frederick Exley, Le Dernier stade de la soif, est considéré comme un classique depuis sa première publication en 1968.
Je tiens à remercier Libfly et les éditions Toussaint Louverture, grâce à qui j'ai pu découvrir ce roman, qui indéniablement restera pour moi un indispensable à avoir dans sa bibliothèque!
En tout premier lieu, le livre est magnifique : couverture épaisse, dessin en relief, papier de très belle qualité. C'est un plaisir d'avoir ce livre entre les mains!
Quant au récit, il s'agit de la biographie romancée de l'auteur. Frederick Exley est un homme en marge de la société américaine des années 50. Le Rêve américain? Très peu pour lui! Fan de l'équipe des Giants et imbibé d'alcool la plupart du temps, Exley retrace les grandes lignes de sa vie. Des ses séjours en hôpital psychiatrique, à ses rencontres amoureuses, Exley fait le point, tout en nous offrant des digressions aussi cocasses que dérangeantes!
Exley illustre tout à fait l'homme dans sa médiocrité et sa déchéance. Sarcastique, il l'est constamment, tout en étant lucide sur lui-même et sur les autres et on ne peut que frémir face à la facilité avec laquelle il s'applique à détruire sa vie...
Je tiens à souligner le remarquable travail de traduction fait par Philippe Aronson et Jérôme Schmidt! Leur plume est superbe!
Vous l'aurez compris, c'est un roman que je vous conseille très fortement.
Il a désormais sa place dans le coin "les indispensables" de ma bibliothèque, à côté de Voyage au bout de la nuit de L-F Céline (ceux qui me connaissent comprendront à quel point je l'ai aimé !).
C'était certainement ça le rêve américain : ces joues roses, ces yeux d'un bleu profond, ces larges sourires dépourvus de chaleur et des regards sans gravité, incapables du moindre sentiment, des regards qui ne pouvaient même pas afficher un soupçon de perplexité. Mais ce n'était pas l'Amérique dont je rêvais. Je savais bien que mes prétentions intellectuelles et mes humeurs étaient irrémédiablement sombres, d'une noirceur teintée d'auto-apitoiement. Mais c'était mieux ainsi, car mieux valait vivre en martyr que de se vautrer dans la fange écervelée des ces mannequins en Technicolor.
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Nous avions déçu nos familles par notre incapacité à fonctionner correctement en société ( une définition de la folie qui en valait bien une autre). Nos familles les yeux emplis de larmes et d'auto-apitoiement, avaient prié les médecins de nous donner à nouveau l'envie de redémarrer dans la bonne direction. Ces directions - une famille et une femme, un poste de vice-président et une Cadillac - variaient selon le terne aveuglement familial.
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Livre lu dans le cadre de l'opération La Voie des indés, organisée par Libfly.